Né à Guercif en 1972, Ahmed Hajoubi est l’un des artistes contemporains marocains les plus talentueux. Depuis sa première exposition en 1993 et l’obtention, l’année suivante, de son diplôme à l’Institut des Beaux-Arts de Tétouan, l’artiste élabore une œuvre protéiforme qui, oscillant entre dessin, sculpture, peinture, installation et peinture, consiste en une savante exploration de l’enfance. Marquée d’un laborieux traitement de la matière et de l’option d’objets plutôt austères, familiers à son imaginaire de fils de droguiste, sa démarche frappe par une constante ambiance jubilatoire, sollicitant de la diversité des médiums l’expression d’un ingénu émerveillement devant le spectacle du monde. Chaque exposition du plasticien est un évènement, porteuse de maîtrise et surtout de capacité d’étonnement, qui montre l’aptitude de cet art à sans cesse repenser son vocabulaire et ses modes d’existence. En 2010, Hajoubi met fin à sa carrière de directeur d’agences de communication menée depuis une vingtaine d’années et part à la Cité des Arts de Paris pour un séjour de 6 mois. Il y approfondit sa réflexion sur la laine, qui, trois ans plus tard, aboutit à l’exposition « Qorchal » (littéralement, « Carde »), un tournant dans son parcours. Le dispositif artistique qu’il y présente confirme ce soupçon de cicatrice qui point dans ses créations antérieures, notamment les bateaux perdus en mer, les coussins calcinés et les toiles où son personnage fétiche, l’enfant-mage, semble enfermé dans des intérieurs volontairement chaotiques. Prenant le départ dans un biographème lié à la mère et situé dans l’enfance, une rhétorique scrupuleuse charge les séries de cardes d’effets esthétiques qui disent autant le pouvoir de l’art à transformer la mémoire en nouvelles possibilités d’émotion que la revanche de la création sur les blessures d’antan, physiques et intérieures. La présentation littérale de la carde est le dénominateur commun aux expositions allant jusqu’à 2020. Depuis, l’artiste dit se consacrer à une nouvelle expérience, où s’entendra encore, sous les apparences les plus dépersonnalisées, une confidence intime. Plusieurs réflexions critiques sont consacrées à l’art d’Ahmed Hajoubi, qui fait l’objet d’un nombre important d’acquisitions pour des collections institutionnelles et privées, au Maroc comme à l’étranger.