Malika Agueznay est une artiste pionnière à plus d’un titre. Première femme a développer l’abstraction, elle a pris part à la modernité marocaine et contribué, aux côtés des ténors de l’École de Casablanca, à en définir les codes et les formes.

 

En 1966, après une première formation scientifique, Malika Agueznay s’inscrit à l’École des Beaux-Arts de Casablanca,  alors dirigée par Farid Belkahia. Là, elle cotoie les penseurs de la modernité marocaine et contribue avec eux à inscrire l’art dans les champs politique et social qui définiront le mouvement. Ensemble, ils questionnent la peinture contemporaine et axent leur travail sur l’étude des formes, des lignes, de la géométrie et de la couleur pure. À leur contact, l’artiste développe ses propres recherches qu’elle explorera sa vie durant à travers différents supports.

 

C’est à travers l’expérience de la gravure, qu’elle découvre en 1978 au Moussem d’Asilah, que le travail de Malika gagne en force et se libère de la préoccupation de la lisibilité de la forme et du contenu.  Comme le souligne son ami l’anthropologue Bert Flint, Malika Agueznay est sans doute l’artiste marocaine de sa génération qui a poussé le plus loin les recherches dans ce domaine. Pour approfondir sa technique, l’artiste qui est aussi une jeune maman, n’hésite pas à partir à New York, dans les ateliers de graveurs de renom comme Mohamad Omar Khalil, Krishna Ready et Robert Blackburn. Elle complétera cet apprentissage à Paris à l’Atelier 17. Depuis, fidèle à l’enseignement de l’École de Casablanca, l’artiste revient chaque année à Asilah pour animer l’atelier de gravure à l’occasion du Moussen (festival) International d’art.

 

«Etre graveur permet au peintre que je suis de me dédoubler et de réaliser tout ce que je ne peux faire en peinture. Et pourtant ma peinture et ma gravure se tiennent par la main, je le sens.» 

 

Parmi les formes qui la préoccupe dès ses premières années à l’école des beaux-arts, celle de l’algue marine prend peu à peu une place prédominante dans son travail et devient bientôt omniprésente.

Guidée par la main experte de l’artiste, le motif de l’algue se renouvelle sans cesse depuis plus de cinquante ans et fait partie intégrante de l’histoire de l’art marocain. Déclinées sur toile ou gravées sur différents médiums, l’artiste en donne de nombreuses variantes ; Tantôt, formes géométriques aux contours nets, certains historiens l’apparente aussi aux courbes du corps féminin ou encore à la multiplication des cellules comme autant de symbol de vie que rien ne peut anéantir. La simplicité de la forme qui se répète à l’infini se suffi à elle-même et, l’effet cinétique qu’elle génère, déconcerte et questionne.  A cette figure abstraite dont elle explore les limites, l’artiste ajoute bientôt celle de l’entrelac. Le sens de l’équilibre entre la surface, le volume et la matière reste sa préoccupation première. Les couleurs franches et chaudes viennent rehausser les formes. L’ajout de la calligraphie et l’insertion de sourates du Coran ou de « mots magiques »,  que sont  paix, amour, modestie ou générosité confèrent à l’ensemble une vibration intense